Huile et graisse : versatile

Sans doute guidés par les autochtones, les premiers colons ont vite apprécié les vertus combustibles et lubrifiantes de la graisse de phoque. Étonnamment, cette graisse ne se mélange pas à la viande et se concentre plutôt en périphérie de l’animal afin de bien l’isoler des froids extrêmes du climat nordique. On en trouve donc plusieurs centimètres d’épaisseur sous la peau de l’animal et ce gras (avec la peau) peut représenter jusqu’à 50 % du poids de l’animal. Pour un jeune phoque (brasseur), on parle de 7 à 10 kg de gras.

Combustible

À l’époque où l’on s’éclairait encore à la lampe à l’huile, celle de loup-marin permettait à des populations entières de poursuivre leurs activités après la tombée de la nuit. Lorsque l’on sait que, très au nord, la nuit peut s’installer pour longtemps, cette denrée n’en était que plus appréciée. 

Lubrifiant

À nouveau, puisqu’il fut un temps où l’on devait se fier uniquement aux ressources nous entourant afin de survivre, l’huile de phoque permettait souvent de se tirer d’affaires grâce à son pouvoir lubrifiant.

Alimentaire

Aux Îles de la Madeleine, les plus vieux aiment bien leur « mess de meniche » (repas de nageoires de phoque) avec un peu de gras. Ça relève le goût. Moins habitué à la rusticité de ce gras, les plus jeunes préfèrent généralement manger une viande plus maigre.
La tradition des croquignoles (prononcé croxignoles) perdure, mais sa recette s’est elle aussi légèrement modifiée. Il s’agit d’une pâte à beignet tressée de façon à donner à cette pâtisserie l’apparence d’une échelle miniature avec une boucle sur le dessus. On cuit ensuite le beignet dans de l’huile de phoque. Autrefois, on utilisait 100 % d’huile de loup-marin, mais aujourd’hui, on dilue généralement le goût avec de l’huile végétale. Cette recette est particulièrement populaire à Havre-aux-Maisons, l’un des villages de l’archipel. Au premier abord, le mélange sucré/huile marine peut surprendre, mais ceux qui aiment adorent.

Pour leur part, les Inuits utilisent le gras de phoque afin de concocter une sorte de trempette ou de sauce à l’odeur très relevé. Voici ce qu’en dit un blogueur surnommé le Barbare érudit :
« Là, ça commence à être plus sérieux. Le misirak, c’est du gras de mammifère marin, généralement du phoque, mais ça peut aussi être du béluga, qu’on laisse fermenter pendant un certain temps. Ce qui se produit, c’est que le gras se sépare, le solide se déposant au fond du récipient. Il reste une huile odoriférante, le misirak. Le gag, localement, c’est d’appeler ça le ketchup des Inuit. Ils en raffolent. Le goût est assez neutre, selon moi, mais l’odeur est très puissante : un mélange de vieux fromage bleu et de viande faisandée. Surtout, c’est très gras, très huileux et la sensation reste en bouche très longtemps. J’avoue qu’avec du caribou gelé, c’est pas désagréable. »

Nutriceutique

Encore une fois, la bonne santé des anciens peuples autochtones (avant d’adopter la diète des Blancs du sud) a mené à plusieurs étudessur leur alimentation. Elles ont montré que le gras du phoque contenait une phénoménale teneur en Oméga-3, le « bon » cholestérol. Cette source d’Oméga-3 dépasse de loin toutes les autres en concentration. Alors que le gras de poisson contient seulement de l’acideéicosapentanoïque (AEP ou timnodonique) et docosahexanoïque(ADH ou cervonique), celui du phoque offre également le très important acide docosapentanoïque (ADP), ce qui en fait la plus complète. Des études démontrent qu’une carence en Oméga-3 peut engendrer des maladies telles le cancer, les maladies cardiaques, le diabète, l’obésité, la Sclérose en plaques, l’Alzeihmer, des troubles de déficit de l’attention et hyperactivité (TDA/H), etc. On peut aujourd’hui trouver des gélules de produits naturels qui permettent de compléter notre diète quotidienne en Oméga-3.

1- L'un des premiers a été effectué par les Drs Burr et Burr dans l'arctique dans les années 30. Ils n'ont trouvé aucune maladie cardio-vasculaire ou de cancer dans les populations étudiées.