Historique de la chasse aux loups-marins

La chaîne alimentaire se construit sur un modèle unique : chaque espèce survit grâce à la mort d’une autre espèce (animale ou végétale). Les deux carnivores que sont le phoque et l’homme font partie de cette chaîne, ce dernier occupant la position dominante. La chasse aux phoques existe donc depuis que ces deux êtres (animal et humain) se sont croisés; d’ailleurs des éléments archéologiques indiquent que l’homme (les Inuits de la culture Thule) chassait déjà le loup-marin au harpon dans la culture du Dorset, 1 000 ans avant J.-C. On sait également que les premiers explorateurs ramenaient des chargements de phoques (possiblement la graisse et peut-être la peau) en Europe.

Un peu d'histoire

Les ressources marines de l’est du Canada sont ainsi exploitées depuis plusieurs siècles. Bien avant que les Blancs s'y soient fixés, les Micmacs organisaient des expéditions afin d’exploiter cette ressource et les premières communautés côtières de la Nouvelle-France devaient apprendre à compter sur ces ressources naturelles renouvelables pour assurer leur survie et leur développement. Les premiers colons des Maritimes ont donc survécu grâce à la pêche côtière puis hauturière, et à la chasse aux mammifères terrestres et marins.

Au tout début, il semble que les Français (dont beaucoup de Bretons) n’appréciaient guère le phoque qu’ils percevaient surtout comme une nuisance. C’est pour les empêcher de mettre leurs agrès et leurs filets en lambeaux que les pêcheurs ont commencé à tendre des filets au filin solide et à larges mailles sur la route des phoques. Chaque matin, ils débarrassaient ces filets des cadavres noyés, mais ils ont rapidement réalisé qu’il était dommage de retourner à la mer ces belles fourrures, ce gras et cette viande de qualité. Il semble même qu’ils en appréciaient particulièrement la cervelle et le ris, « aussi délicat que ceux de la meilleure génisse »1.

Un peu plus tard, à certains endroits où le phoque s’attarde, des pêcheurs inventent un système mi-chasse, mi-pêche : à l’aide de filets, ils attirent des bandes de phoques en eaux peu profondes avant de les encercler et de les abattre.

S'intégrant au cycle des saisons, la chasse s’avérait, au plus creux de l'hiver, un apport essentiel : l'huile pour l'éclairage, la lubrification et la cuisine; la fourrure et le cuir pour les vêtements et les chaussures et la viande, pour la consommation. Peu à peu, une partie de cette ressource gagne certains marchés extérieurs, apportant quelques profits (ou éléments de troc) aux chasseurs qui les réinvestissaient aussitôt dans leurs équipements de pêche et autres nécessités.

Les Premières Nations

Voici un extrait du rapport Malouf. Même s’il date, il semble toujours décrire adéquatement la situation qui prévaut dans le nord.

« La chasse aux mammifères marins (phoques, morses, baleines) a toujours fait, et continue de faire partie intégrante du mode de vie des Inuit et de certains groupes d’autochtones. Pour la chasse elle-même, c’est une activité qui se poursuit à longueur d’année, mais les méthodes de chasse ainsi que les espèces capturées varient selon les saisons. D’un bout à l’autre de l’année, les phoques annelés forment la majeure partie des prises, mais dans certaines régions, quand leur migration estivale se termine dans le nord, on capture également des quantités considérables de phoques du Groenland; on trouve aussi, mais en petit nombre, des phoques barbus et des phoques communs, ainsi qu’une quantité minime de phoques à capuchon. En majeure partie, les phoques ainsi abattus sont d’âge adulte ou pré-adulte; les autochtones du Nord canadien ne chassent pas les petits des phoques à capuchon ou du Groenland.

Autrefois, la chasse était purement une question de subsistance : le chasseur se servait du produit de sa chasse pour s’alimenter et se vêtir, ainsi que pour nourrir et harnacher ses chiens de traîneau. Par suite de l’extension des communications entre le Nord et le Sud du pays et surtout de l’évolution des techniques de chasses (la carabine remplaçant le harpon et la motoneige, les traîneaux tirés par les chiens), le chasseur a eu davantage besoin d’argent liquide. Avant qu’ils ne se réinstallent dans des collectivités plus importantes, les Inuits vivaient à proximité des terres les plus favorables à cette chasse. Le chasseur continuait à employer le produit d’une chasse antérieure pour franchir le cap jusqu’à la suivante, mais au lieu d’utiliser la viande pour nourrir son équipage de chiens, il vendait les peaux pour se procurer de l’essence. Quand le prix des peaux de phoque était avantageux, le chasseur pouvait réduire la quantité des prises qui lui étaient nécessaires pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

Étant donné le genre de chasse que pratiquaient les Inuits, nous ne disposons pas de données précises sur leurs abattages2. La plupart des statistiques font état du nombre de peaux vendues, élément qui peut porter à sous-estimer fortement le total des bêtes abattues particulièrement dans les années où les peaux se vendaient à bas prix. Ce total devait se situer probablement autour de dizaines de milliers par an, avec des variations considérables d’une année à l’autre.

Pour les mêmes raisons, il est extrêmement difficile de chiffrer en dollars la valeur de la chasse aux phoques pratiquée dans le nord. Seule une partie du produit de cette chasse est vendue contre argent comptant. On peut calculer la valeur de la viande et des peaux dont le chasseur fait usage en prenant comme base la somme de travail investie dans la chasse et les coûts afférents, ou en se basant sur une équivalence des coûts en magasin, de la nourriture ainsi acquise, avec celui de la viande de phoque, on risque d’en sous-estimer la valeur véritable, parce qu’une bonne partie des aliments achetés en magasin est inférieure à la viande de phoque en qualité nutritive. »

Les 2 moratoires européens (celui sur la peau des blanchons et le dernier sur tous les produits du phoque), les manifestations anti-chasse et les incertitudes qui règnent sur les marchés ont fait baisser les prix de l’ensemble de l’industrie. Cette situation a eu et a encore des effets dévastateurs sur le bien-être économique de nombreuses localités inuites; elle a eu aussi pour effet de pousser ces Amérindiens à devenir les leaders de la défense de la chasse aux loups-marins devant la cour de la Communauté européenne.

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Chez les Madelinots

Entre 1763 et 1773, les quelques 20 familles d’Acadiens réfugiées aux îles de la Madeleine ont vécu sous la dépendance du colonel et entrepreneur bostonnais Richard Gridley venu, avec ses fils, exploiter les richesses du golfe par la chasse aux vaches marines et par la pêche à la morue. Comme une bonne partie du commerce de ce dernier était basé sur la vache marine (le morse), la disparition de cette dernière espèce porta un coup fatal au commerçant.

En 1798, l’amiral Isaac Coffin, officier général au service de l’Angleterre, devient, par lettres patentes du Colonial Office de Londres, concessionnaire des Îles, afin d’en exploiter les ressources au profit de l’empire britannique. Confiant dans le potentiel économique de l’archipel, il fait frapper une monnaie locale à l’effigie des symboles des deux secteurs économiques qu’il compte bien mettre en valeur : la morue et le loup-marin. Cependant, avant même la nomination de Coffin comme concessionnaire de La Madeleine, un nombre important (200 environ) d’Acadiens-Miquelonnais sont venues se réfugier aux Îles, croyant y trouver la liberté que ne leur assurait plus leur archipel de St-Pierre et Miquelon. Cet apport important d’une population francophone compliquera, on s’en doute, les visées hégémoniques du concessionnaire voué au service de l’Angleterre.

Jusqu’au début du XIXe siècle, les Madelinots pratiquaient presque exclusivement la chasse à pied et au bâton puisque la mouvée de loups-marins accostait sur les côtes de l’archipel. Les familles se rendaient sur le côté nord et ouest, où les vents collaient les glaces à terre, et lorsque les phoques se arrivaient à proximité, les hommes partaient sur les glaces, avec leurs chiens pendant que les femmes restaient à terre pour surveiller le vent. Au moindre signe de menace atmosphérique, on signalait le danger aux chasseurs, avec des détonations de fusil : un ou deux coups pour signaler de revenir bientôt, des salves répétées pour revenir tout de suite.

Grâce à leurs chiens, même lorsque des poudreries soudaines se levaient, les Madelinots retrouvaient toujours la terre ferme en toute sécurité; plusieurs générations ont chassé ainsi sans que beaucoup d’incidents ne soient déplorés.

Et puis, de plus en plus d’escouades se sont mises à utiliser des canots à glace afin de pouvoir chasser là où la glace était moins stable. De plus, ces canots permettaient de ramener une quantité intéressante de peaux et de chasser au fusil même une fois la mue terminée.

L’arrivée des goélettes a permis de poursuivre la mouvée et d’étendre la saison de chasse. Après les chasseurs de terre, ceux de la mer prenaient la relève afin d’assurer une meilleure récolte printanière.

Les filets n’ont jamais été très populaires aux Îles, mais inventifs, les Madelinots ont également développé une expertise de pêche aux phoques à l’aide de palangres à crocs boëttés. Le succès de cette technique réside dans la façon bien particulière de positionner la ligne par rapport aux courants et aux vagues afin de donner à l’appât l’apparence d’une proie vivante. Sinon, l’amphibien perçoit le stratagème et refuse de mordre.

Jusqu’au début du XXe siècle, les gens utilisent le loup-marin à profusion (vêtement, viande, huile), mais au fur et à mesure qu’une certaine aisance économique s’installe, seuls les moins nantis consomment la viande ou portent des vêtements confectionnés du cuir de phoque. Ce fut également le cas du homard et du crabe. À une certaine époque, seuls les moins fortunés apportaient à l’école des sandwiches aux fruits de mer et les autres exhibaient fièrement la conserve de viande industrielle que leurs parents leur avaient rapportée du supermarché. Avides de « modernités », les Madelinots relèguent peu à peu le loup-marin et ses sous-produits au domaine du folklore.

Les temps ont bien changé! La population réalise que les aliments naturels tels le homard et le phoque valent dix fois la nourriture industrielle. De même, ceux qui peuvent encore se payer des vêtements en peaux de loup-marin savent très bien que l’achat d’une fourrure biodégradable aide davantage l’environnement qu’un tissu synthétique à base de pétrole.

Il est difficile d’affirmer avec précision à combien d’individus s’élevait la récolte annuelle de phoques, mais dans son livre La grande mouvée, Pol Chantraine écrit qu’au début du XIXe siècle, les quelques centaines de famille madeleiniennes devaient en chasser quelques milliers, puis, quelques dizaines de milliers au siècle suivant. Aujourd’hui encore, les quotas sont fixés à 18 000 bêtes pour le phoque du Groenland, soit moins de 0,18 % de la population totale pour cette espèce alors que leur taux de reproduction environne les 10 %.

Aujourd'hui, presque tous les permis de chasse sont détenus par des pêcheurs, ce qui illustre bien jusqu'à quel point ces deux activités se complètent.

Et ne perdons pas de vue que, plus qu'un apport économique important, le métier de chasseur de loups-marins aux Îles poursuit une tradition culturelle. Menacer cette activité, c'est s'attaquer à une partie de la culture ancestrale madeleinienne.

À maintes reprises au cours des dernières décennies, des citoyens et des industriels ont tenté de créer de petites entreprises de transformation du produit du loup-marin, mais plusieurs se sont butés à un manque de soutien et de ressources.

Malgré tout, aujourd’hui, plusieurs d’entre eux tirent leur épingle du jeu : confection de vêtements, marché de la viande, écotourisme, fourrure et huile, riche en Oméga-3.

Se sont donc petit à petit créés des emplois valorisants et les agents du milieu s'affairent toujours à trouver de nouveaux usages et marchés pour le phoque, en vue de nouvelles retombées locales et afin d'utiliser la ressource à son maximum et ce, dans un constant souci de saine gestion.

Après plusieurs années d'activités réduites, l'industrie du loup-marin se trouve maintenant dans un contexte idéal pour redémarrer.  Des études récentes du ministère des Pêches et des Océans reconnaissent clairement l'impact néfaste de la surpopulation de loups-marins sur les stocks de poisson et la Chine a officiellement ouvert son marché au Canada dans ce domaine.

Toute relance de l'exploitation du loup-marin aura le double effet de redonner du travail aux chasseurs/pêcheurs et de rétablir enfin les stocks de poissons, matière première à l’industrie des pêches.

Les cousins de la Côte-Nord

Empêchés, depuis 1798, de devenir propriétaires de la terre qu’ils défrichent (à cause des droits du concessionnaire Coffin) et constamment soumis aux tracasseries du système marchand qui empêche le pêcheur d’accéder à une vie économique décente et responsable, les Madelinots entreprennent une longue période d’exode vers divers lieux du pays. C’est dans ce mouvement de départs qu’entre 1850 et 1855, plusieurs familles quittent l’archipel pour la Côte-Nord3.

Emportant leurs savoir-faire avec eux, ces hommes partent, à la chasse aux phoques dès leur première saison sur la Côte; ils rapportent 620 loups-marins cette année-là, puis 2 021 l’année suivante. Pendant quelques décennies, une vingtaine de goélettes cumulent quelques 20 000 peaux et cette ressource compte pour presque 50 % des revenus de la communauté. Soudainement, en 1890, les loups-marins ont cessé de visiter le nord du golfe en grande quantité et on ne captura alors qu’une centaine de bêtes. Quelques années de ce régime ont suffit à décourager les chasseurs et bientôt, le phoque ne fut plus qu’une proie d’occasion.

Il faut tout de même souligner que les Nord-Côtiers connaissaient bien leur métier. En plusieurs décennies de chasse, aucune perte de vie reliée à cette activité n’a été rapportée dans ce secteur.

Si les marchés retrouvent de la vigueur, il y a fort à parier que cette communauté côtière reprendra le large afin d’exploiter à nouveau cette ressource.

Du côté terre-neuvien

À l’origine, les phoques étaient capturés au moyen de filets installés depuis la côte. À Terre-Neuve, on déployait alors, chaque année, environ 2 000 filets à cet effet.

En 1794, l’apparition du premier voilier en bois, armé pour la chasse aux phoques, posait un jalon dans l’exploitation commerciale hauturière de cette ressource, mais il a fallu attendre quelques années avant que la flottille ne gagne en importance. À son apogée, entre 1825 et 1860, l’industrie comptait sur environ 300 goélettes et 12 000 chasseurs. À cette époque, on débarquait environ un demi million de peaux annuellement, le taux maximum ayant été atteint en 1832 avec 744 000 peaux. Il s’agissait principalement de blanchons, mais également d’adultes, de jeunes et de quelques phoques à capuchon. À cette époque, la demande commerciale d’huile et de peaux du phoque du Groenland a donné naissance à une véritable industrie. En 1850, cette chasse rapportait déjà plus d’un million de dollars à Terre-Neuve, l’huile étant le principal moteur de ce commerce. De fait, au milieu du XIXe siècle, le phoque représente le tiers des exportations terre-neuviennes.

En 1863, les bateaux à vapeur entrent en jeu et, en 1880, leur nombre atteint 25. Dès 1911, tous les bateaux de chasse hauturière sont propulsés de cette façon. Entre-temps, en 1906, la technologie des coques d’acier, parfaites pour la glace, fait son apparition dans l’industrie.

Malgré les nouvelles technologies, les prises chutent. Entre 1863 et 1894, elles se situent en moyenne à moins de 350 000. En 1895, pour la première fois, on consigne séparément les prises de phoques du Groenland et les autres. La chute se poursuit et on comptabilise une moyenne de 249 000 entre 1895 et 1911 et de 159 000 entre 1912 et 1940. En 1951, les captures remontent pour atteindre 450 000; enfin, on note environ 288 000 prises par année, entre 1952 et 1971.

Les Terre-Neuviens détiennent aujourd’hui environ 90 % des quotas alloués, soit environ 300 000 phoques par année.

Des étrangers dans nos eaux

Au début du XIXe siècle, les Norvégiens réalisent que l’exploitation du loup-marin ne passe pas seulement par le lard, mais aussi par la fourrure. Plus dynamique, Oslo supplante rapidement Londres comme centre d’exploitation de la ressource.

Lorsque les populations de phoques européens commencèrent à baisser, les industriels du vieux continent traversèrent rapidement l’Atlantique afin de chasser les troupeaux canadiens. À cette époque, aucun règlement ne les en empêchait. Avec leurs bateaux-usines, ils auraient sans doute exterminé la population de loups-marins, si la Deuxième Guerre Mondiale n’était venu changer les priorités.

La paix revenue, les nouvelles technologies développées en temps de guerre pavent la voie à une industrialisation encore plus soutenue; les bateaux étrangers prélèvent des centaines de milliers de bêtes dans un troupeau qui décline.

Paradoxalement, les campagnes anti-chasse des années 1970 ont peut-être permis à cette chasse de subsister puisqu’au rythme où allaient les choses et sans règlementation adéquate des zones de chasse, les chasseurs étrangers auraient sans doute fini par exterminer l’espèce.

Recherche et gestion au Canada

Ce n’est qu’en 1971 que l’on imposa le premier contingent aux chasseurs selon les estimés scientifiques de populations.

Concernant le phoque du Groenland, de 245 000 cette année-là, il passe à 150 000 en 1972 (120 000 pour les hauturiers, 30 000 pour les côtiers). Cette même année, on interdit la chasse en bateau dans le golfe. Ce nouveau quota restera en place pendant 3 ans.

En 1975, on le baisse à nouveau (127 000), mais la chasse côtière non réglementée engendre des prises totales de 165 000. Les quotas fluctuent légèrement, mais en 1982, il s’élève à 186 000. En 1983, la Communauté économique européenne (CEE) interdit l’importation des peaux de blanchons et les prises baissent considérablement. Bien que les Taux Autorisés de Capture (TAC) se situent à 175 000, la moyenne annuelle de prises tourne autour de 52 000 entre 1983 et 1995, ce qui est nettement insuffisant pour contrôler cette population maintenant en rapide progression.

Depuis, les TAC se situent autour de 300 000, mais les prises varient grandement selon les marchés, le prix offert et les conditions de glace. Ce que l’on sait, c’est que la population a poursuivi son expansion bien au-delà des prévisions et que le troupeau devra retourner à une grosseur acceptable (peut-être autour de 5-6 millions) sinon l’écosystème en entier en souffrira.

Le calcul des quotas, basé en bonne partie sur l’historique des débarquements est assez complexe. On attribue 70 % du quota global au Front (au nord de Terre-Neuve) et 30 % au Golfe du Saint-Laurent. De ce dernier 30 %, on attribue à nouveau 70 % à Terre-Neuve, 20% aux Îles de la Madeleine, 8 % à la Côte-Nord et 2 % aux autres provinces de l’Atlantique (Île du Prince Édouard, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse).

En 2010, en tenant compte du dépassement de 115 prises en 2009, l’archipel avait droit à un quota de 15 705 phoques en plus d’une allocation de développement de 10 000 bêtes (pour viande et valvules cardiaques) pour un grand total qui aurait pu atteindre 25 705.

Dû aux mauvaises conditions de glaces, moins de 10 % de ce quota fut pris.

*Voir la section Population du Phoque du Groenland 


Les grandes catastrophes

Depuis les premières sorties sur les glaces, la chasse aux phoques a réclamé son lot de vies humaines. Chaque accident en est un de trop, mais loin de minimiser les pertes de vie individuelles, voici une liste non exhaustive des grandes catastrophes ayant laissé de profondes cicatrices dans le cœur de plusieurs communautés de chasseurs.

Aux Îles, le tribut payé à la chasse fut moins important qu’à Terre-Neuve :

  • En 1864, les goélettes Gemma et Breeze ne reviennent jamais au port, gardant avec elles le corps des 20 hommes d’équipage et faisant ainsi 13 veuves et 45 orphelins;
  • En 1893, la goélette L’Espérance disparaît avec ses 11 marins;
  • En 1897, le gardien de phare Eugène Turbide, son fils et un ami de ce dernier perdent la vie lors d’une chasse à pied;
  • En 1911, la tragédie des Lebel, immortalisée par des contes, des chants et des poèmes, emporte une escouade de six hommes;
  • Une longue accalmie fut ensuite brisée par la tragédie de l’Acadien II qui déplore, le 29 mars 2008, la perte de Bruno Bourque, de Marc-André Déraspe, de Gilles Leblanc et de Carl Aucoin.

Il va s’en dire qu’à l’intérieur d’une communauté de 13 000 personnes, chacun est touché personnellement par ces disparitions.

Du côté terre-neuvien, la chasse est beaucoup plus intense et plus dangereuse. En partie à cause des conditions maritimes plus difficiles sur leur zone de pêche (le Front), mais peut-être surtout à cause de l’avidité des industriels de l’époque :

  • En 1804, à la baie de Conception, 40 goélettes, 35 chaloupes et 1 639 hommes partent pour la chasse. Une violente tempête s’abat et environ une semaine plus tard, 25 chaloupes et 150 hommes manquent à l‘appel;
  • En 1823, la goélette Active se perd en mer avec 25 hommes;
  • En 1840, le brick Catherine heurte un pan de glace et coule, emportant avec lui 38 hommes d’équipage;
  • En 1848, le brick Hibernian s’échoue. Vingt hommes se noient en tentant de rejoindre la côte;
  • En 1852, le brick Hammer coule et fait 37 victimes;
  • En 1872, l’épave du brick Hunstmen est retrouvée vide. Les 42 membres d’équipage ont tous péri en tentant de rejoindre la rive.

En plus de ce dernier, une quinzaine d’autres bateaux se perdirent aux glaces entre 1870 et 1890 sans que l’on n’ait de chiffre précis sur le nombre de chasseurs disparus. Parmi ces bateaux, on peut nommer le Bloodhound, Wolf, Ariel, Retriever, Ofsprey, Hawk, MicMac, Tiger, Resolute, Windsor Lake, Mastiff… Le Lion coula en 1882, emportant à lui seul près de 200 hommes.

  • En 1874, survient un accident d’un autre genre : la fournaise du Tigress explose et tue 20 hommes;
  • En 1889, le Walrus perd une escouade de 30 chasseurs à la dérive sur les glaces. Cinq ans plus tard, une explosion sur le même bateau emporte 12 hommes;
  • En 1898, le S.S. Greenland cause la mort de 48 loup-mariniers et engendra les révoltes de la grève de 1902;
  • En 1914, une furieuse tempête emprisonne l’équipage duNewfoundland. Sans vivres et sans vêtements adéquats, 78 hommes meurent gelés et la plupart des 55 survivants doivent être amputés d’un ou de plusieurs membres. Cette même année, plus de 250 chasseurs de phoques perdent la vie sur les glaces;
  • De 1918 à 1931 (entre les deux Grandes Guerres), une dizaine d’autres bateaux (Nimrod, Diana, Kite, Viking, Nord, Erik, SamuelBlandford, …) périrent en mer en emportant avec eux des centaines d’autres loup-mariniers.

1 -  La grande mouvée, Pol Chantraine, Éditions Héritage, 1980, p. 160

2 -  Une autre étude estimera plus tard le nombre de prises dans les années 1970 entre 1 200 et 6 500 phoques. Puis, une croissance constante de cette activité permet d’évaluer des prises supérieures à 100 000 en 1999. La plupart de ces prises sont des loups-marins adultes (50 %) et très peu de jeune moins d’un an (5 %) se retrouvent dans ce nombre.

3 -  À partir de 1850, plusieurs centaines de familles des îles se sont dispersées un peu partout au Québec, au Canada et ailleurs es Madelinots ont surnommé cet épisode, le « Petit dérangement », en référence à la Déportation, ce Grand dérangement des Acadiens de 1755.